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Le streaming :  la partie émergée de l’iceberg numérique 

A l’occasion de la semaine de sensibilisation au nettoyage numérique (du 10 au 16 mars dernier), Facilitec a organisé une projection du documentaire d’ARTE « Frankenstream, ce monstre qui nous dévore », suivie d’un débat enrichissant avec des experts du numérique.  Quels enjeux ont été soulevés par nos invités et le public présent et surtout quelles actions concrètes nous pouvons tous.tes entreprendre pour un numérique plus responsable ?

Quand l’immatériel pollue plus que le réel 

Tic tac, tic tac… Nous nous rapprochons dangereusement d’une collision avec un iceberg qui ne cesse de croître : l’impact environnemental du numérique. Nous en sommes tous.tes dépendant.e.s, et pourtant, nous ne mesurons pas encore  l’ampleur de notre empreinte liée au digital.

Le documentaire « Frankenstream » a pu mettre en lumière un phénomène alarmant : le streaming, qui représente à lui seul près de 60% du trafic Internet mondial.  Chaque donnée collectée peut parcourir jusqu’à 15 000 km avant d’être stockée dans un data center, souvent alimenté par des énergies fossiles. 

Alya Bolowich, la chercheuse du LIST invitée à la discussion, nous a rappelé qu’au Luxembourg, nous comptons 9 data centers et cela peut encore augmenter avec la prochaine venue de Google au Grand-Duché. L’Irlande, championne en nombre de data centers en Europe, fait désormais face à une menace tant environnementale que par rapport à la sécurité énergétique du pays où les data centers consomment 18 % d’énergie nationale. Donc plus on continue à streamer, plus on a des chances à se retrouver en panne d’électricité.

Les chiffres révélés par le documentaire sont frappants :

  • 30 milliards d’appareils connectés à Internet en 2023, un nombre qui pourrait doubler d’ici 2030 ;
  • 3 à 4% des émissions mondiales de CO2 proviennent du numérique, une tendance en forte augmentation avec le développement de l’intelligence artificielle ;
  • 60% des émissions de gaz à effet de serre du numérique sont dues à la fabrication des équipements.

L’obsolescence programmée : un fléau réglementé ?

La course à l’innovation nous pousse à renouveler nos appareils à un rythme effréné, avec un téléphone remplacé tous les 2-3 ans en moyenne. Pourtant, la fabrication d’un simple ordinateur de 2 kg nécessite 700 fois son poids en matières premières, dont l’extraction, extrêmement polluante, souvent localisée dans quelques zones stratégiques du monde, engendre d’importants impacts environnementaux et sociaux. La forte concentration de certaines ressources, comme le cobalt et les terres rares, soulève des questions en matière d’approvisionnement durable, de conditions de travail de mineurs et de stabilité géopolitique.

L’obsolescence, qu’elle soit technique (incompatibilité logicielle), physique (fragilité des composants) ou psychologique (marketing agressif), contribue à une explosion des déchets électroniques. Aujourd’hui, seulement 22% des déchets électroniques sont collectés et recyclés[1], et 60% finissent dans des décharges sauvages comme celle d’Agbogbloshie au Ghana (plus d’informations dans le documentaire Welcome to Sodom).

Face à cette réalité, l’Union Européenne réagit avec deux nouvelles réglementations :

  • L’ESPR (Ecodesign for Sustainable Products Regulation), en vigueur dès 2025, impose aux producteurs la disponibilité de  mises à jour de logiciels  au moins 5 ans après l’arrêt de production d’un appareil ;
  • Le Cyber Resilience Act, prévu pour 2027, oblige de fournir des mises à jour de sécurité gratuites pendant au moins 10 ans.

Que pouvons-nous faire en tant qu’utilisateurs.ices ?

Sans attendre les législations, nous pouvons mettre en place des actions accessibles, avec des gestes simples au quotidien pour polluer moins et prolonger la durée de vie de nos appareils,  proposées par Daniel Waxweiler, ingénieur de software au LIST et consultant freelance en technologie de l’information, invité également à la discussion  :

  • Fermer les onglets non utilisés sur nos navigateurs pour réduire la consommation d’énergie ;
  • Se désabonner des newsletters inutiles et vider régulièrement la corbeille de nos mails ;
  • Privilégier le Wi-Fi au réseau mobile pour visionner des vidéos (moins énergivore) ;
  • Regarder les vidéos en basse définition si le HD n’est pas essentiel, voir même n’utiliser que le son si possible ;
  • Opter pour la réparation plutôt que l’achat neuf ;
  • Privilégier le reconditionné et le réparable ;
  • Se questionner avant chaque achat : en ai-je réellement besoin ? ;
  • Soutenir des réglementations plus strictes sur l’obsolescence programmée ;
  • S’engager dans des initiatives locales (recyclage, repair cafés, sensibilisation) ;
  • Faire pression sur les entreprises pour une production plus responsable.

Un avenir entre nos mains

Nous sommes face à un enjeu crucial : ne pas nous faire dévorer par le monstre du numérique mais en faire un levier d’action puissant repensé de manière durable. La transition vers un usage plus responsable ne pourra se faire sans une prise de conscience collective et des engagements individuels.

Il est encore temps d’agir : chaque geste compte et  chaque choix fait la différence. Ensemble, réduisons l’empreinte du numérique !

Transition Minett vous propose de nombreux Repair cafés, dont certains strictement dédiés au numérique, et si vous voulez opter pour les logiciels libres et gratuits en Open Source, comme Linux ou Libre Office, venez nous retrouver à notre atelier de Facilitec pour vous aider à faire le changement !

Si vous voulez en savoir davantage sur l’impact du digital et ses solutions, rejoignez-nous à une fresque du numérique organisée jeudi 27 mars à Facilitec, les places sont limitées alors inscrivez-vous sans attendre auprès de jeanne@transition-minett.lu 


Loane N. – Volontaire européenne engagée auprès de Transition Minett


[1] Source : World Health Organisation

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Economie circulaire Obsolescence programmée

Initiatives éco-citoyennes comme solutions à l’obsolescence programmée

Sébastien Kanarek, le responsable de l’atelier participatif de Facilitec, était l’un des invités orateurs de la table ronde sur le thème de « Obsolescence et économie circulaire : entre enjeux environnementaux et opportunités économiques et sociales », organisée par le Circular Innovation Hub de la Ville de Wiltz et Infogreen le 15 octobre au château de Wiltz. Ce fut l’occasion de présenter les projets concrets de Transition Minett, menés en lien avec l’économie circulaire.

L’obsolescence programmée : qu’est-ce que c’est ?

Avant toute chose, revenons un peu en arrière. Le terme « obsolescence programmée » existe depuis près de 100 ans. Il apparaît en 1925 dans le livre de Stuart Chase La tragédie des déchets, puis avec Bernard London, promoteur américain qui met des mots sur ce concept. En 1930 Lewis Mumford, spécialiste des technologies, critique lui aussi le phénomène d’obsolescence programmée qu’il observe comme grandissant parallèlement à l’évolution des technologies.  Un brin d’histoire plus tard, une question reste en suspens : de 1925 à nos jours, comment sommes-nous passés de l’évolution des technologies à une hyperproduction de déchets ?

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Un travail important reste à accomplir, notamment pour changer les habitudes de consommation. Les réglementations sont des leviers majeurs pour encourager une consommation vertueuse. Si la solution ne peut pas venir du jour au lendemain, l’atelier collaboratif de Transition Minett logé à Facilitec, le tiers-lieu de l’économie circulaire, fait partie de ces initiatives qui concrétisent cette prise de conscience.

Le travail de réglementation, notamment avec la directive « Right to Repair », qui vise à encourager les consommateurs à prolonger le cycle de vie des produits grâce à la réparation, permet d’encadrer de façon vertueuse la vie des objets. Nous observons au Luxembourg un retard à l’égard des réglementations sur l’obsolescence programmée. A contrario, en France et en Belgique les législations semblent avoir déjà pris une marche vers l’avant, que ce soit en France avec une définition explicite du terme « obsolescence programmée » inscrite dans le code de la Consommation. La Belgique quant à elle, était le deuxième pays à adopter un indice de réparabilité pour les appareils électroménagers (l’entrée en vigueur de l’indice est prévue pour 2026)[1]. En bref, on constate que le Luxembourg a un retard conséquent à combler, pénalisant par la même occasion les consommateurs.

Dès lors, si les changements de consommation sont de plus en plus encouragés par les pouvoirs publics, nous pouvons, sans attendre, passer à l’action grâce à des initiatives citoyennes.

Que faire à mon échelle ? Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme !

Aujourd’hui, 6000 tonnes de déchets électroniques sont produits chaque année ! Afin de réduire ce chiffre, différentes alternatives doivent être adoptées par les consommateurs.

Et si, au lieu de renouveler un objet en participant indirectement à ce phénomène d’obsolescence programmée, nous proposions de prolonger la durée de vie des objets ?

La réparation ou la seconde main sont des moyens concrets d’agir pour une consommation raisonnée, afin d’avoir un impact sur la durée de vie des produits et donc de réduire les déchets. C’est en ce sens que notre atelier participatif s’inscrit tout en y ajoutant une approche sociale, avec un échange entre les citoyens et les bénévoles. Cette initiative agit aussi à une échelle économique en réduisant les achats personnels, au profit de biens qui pourraient servir à un plus grand nombre. Et enfin, comment ne pas mentionner l’impact écologique indéniable de cette action. Nous contribuons ainsi à l’allongement de la durée d’utilisation des objets et à la réduction de la production de déchets.

Concrètement, Transition Minett propose d’engager une réflexion pour prolonger la vie des objets peu utilisés au quotidien avec la bibliothèque d’outils Gutt Geschier  (les bons outils), mise en place en collaboration avec EBL. Plus globalement, le tiers-lieu Facilitec contribue à promouvoir les 5R (Refuser, réduire, réutiliser, recycler, rendre à la terre), fondamentaux pour agir de façon responsable face à une production de déchets toujours croissante. D’autres initiatives éco-citoyennes inspirantes comme le projet de Repair Café ont été mis en lumière lors de cette table-ronde par Léonard Andersen coordinateur du projet Repair Café Luxembourg et du Citizen for Ecological Learning & Living (CELL). Nous pouvons également relever les différentes initiatives du Comité National de Défense Sociale (CNDS), représentée par son Directeur Raoul Schaaf lors de cet échange, qui démontre les possibilités de lier l’écologie à l’inclusion sociale.

Lire aussi : Repair Café – Apprendre à réparer pour prolonger la vie de nos objets

 Intéressé.e.s par l’atelier collaboratif ou besoin d’un outil ? 

Venez découvrir ou redécouvrir Facilitec au 37B rue de la Fontaine à Esch-sur-Alzette (accès sur rue Berwart).

Horaires :
Lundi et jeudi : 14h-20h
Mardi et mercredi : 13h30-17h
Vendredi : 9h-16h30
Week-end fermé, sauf événements et derniers dimanches du mois (atelier ouvert de 14h à 17h). 

Et parce que nous ne sommes pas les seul.e.s à œuvrer pour l’économie circulaire à Esch, nous vous invitons à découvrir ces projets si vous ne les connaissez pas déjà !

Centre Formida, FerroForum (tiers-lieu sur le métal), CIGL Esch, SIVEC Schifflange, Les  Give Box : à la Kufa, la Mesa, et une pour les livres place de l’hôtel de ville.

Nous remercions chaleureusement le Circular Innovation Hub de la commune de Wiltz ainsi que le média InfoGreen pour l’invitation à cette table-ronde.


[1] Source du communiqué de presse de la Ministre Zakia Khattabi du Climat, de l’Environnement, du Développement durable et du Green Deal en Belgique